Le génie des arbres ; Emmanuelle Nobécourt

      Enfin un bon documentaire sur l'extraordinaire adaptation des arbres à leur environnement ! Pédagogique, bourré d'informations toutes plus surprenantes les unes que les autres, aussi vivant que les plantes dont il parle, le film à tout pour nous permettre de voir d'un autre œil le monde végétal.

    Alors que certains scientifiques comme Frans de Waal, notamment dans Sommes-nous trop bêtes pour comprendre l'intelligence des animaux ?, commencent à peine à évoquer l'intelligence chez l'animal sans se faire rire au nez, voilà que d'autres ont un coup d'avance : et si l'on pouvait également parler d'une forme d'intelligence dans le règne végétal ? Comme pour les animaux (et donc les humains!), la réponse se cherche certainement dans la manière de définir l'intelligence... Dans tous les cas, il faut reconnaître que les scientifiques dont l'on suit les études donnent de formidables pistes de réflexion.

      On apprend notamment que les plantes seraient dotées de la proprioception, capacité que l'on définit comme la perception plus ou moins consciente que l'on a de la position de son corps dans l'espace. Ainsi, dans une forêt, les arbres ne poussent pas de manière anarchique, se laissent de la place pour absorber la lumière, sont capables de pousser vers le ciel dans des environnements très pentus...

      Plus connu mais encore peu documenté, le film aborde aussi les immenses réseaux souterrains que forment les racines des arbres avec les champignons. La partie immergée de la forêt recèle des trésors de symbiose insoupçonnables ; une véritable toile du vivant qui se tisse sous nos pieds sans que nous nous en rendions compte. En plus de leur capacité à vivre de lumière et de dioxyde de carbone, les relations que nouent les arbres avec tout un tas d'autres êtres vivants leur permettent ni plus ni moins que de vivre plusieurs centaines d'années (si on ne les débite pas avant), cela même sans avoir la capacité de se déplacer dans l'espace, si ce n'est par leurs branches ! Quand on y pense, la vie sur Terre a pu prendre des formes franchement exceptionnelles !

       Je suis convaincu que l'une des conditions primordiales pour réussir la transition écologique sera de repenser nos relations avec les mondes sauvages, aussi bien végétal et qu'animal. Quand on entend parler "d'écologie punitive" à la moindre petite mesure (comme manger moins de viande ou rouler moins vite par exemple) qui participe à protéger la biodiversité et les conditions de vie sur Terre, je me dis qu'on en est encore bien loin. Franchement, à bien y réfléchir, est-ce si douloureux de restreindre quelques "libertés" non fondamentales pour tenter d'éviter en France le bétonnage de l'équivalent d'un département français tous les 10 ans, ou pour tenter d'enrayer la déforestation des forêts primaires dans le monde afin de fournir NOS élevages et NOS industries en soja et huile de palme ? Si la richesse intrinsèque des écosystèmes et la richesse de nos interactions avec ces derniers étaient reconnues à leur juste valeur, nul doute que nombre de querelles seraient déjà derrière nous...

     Ce genre de documentaire (en tous cas je l'espère) participe à désincarcérer nos représentations de la Vie, encore bien trop anthropocentrée. Un arbre, c'est un être vivant qui respire, qui boit, qui transpire, qui se nourrit, qui prend en considération les autres êtres autour de lui... et qui plus est, qui rend des services (captation du dioxyde de carbone, stabilisation et enrichissement des sols, etc.) sans lesquels nous ne serions même pas là pour en parler !

Maxime Lelièvre