Un bijou ! Un bijou aquatique incarné par le double champion du monde d'apnée Guillaume Néry. Un bijou filmé sous la surface de l'eau par sa compagne Julie Gautier. Un bijou non pas en carats mais en 12 toutes petites minutes plus précieuses les unes que les autres. Un bijou... gratuit !Oui, car Guillaume Néry a la bonne grâce (ou les pépettes?) de diffuser gratuitement One breath around the world (une respiration autour du monde) sur sa chaîne Youtube.
Dans ce court-métrage de haut vol bien que sous le niveau des mers, l'apnéiste star nous enjoint à l'accompagner dans son voyage en apesanteur aux 4 coins du monde aquatique. Pendant 12 minutes on est happé, voire littéralement en apnée, devant les images sublimes de grand bleu qui nous immergent au côté de l'apnéiste... et non pas du plongeur, qu'on se le dise. D'où la spécificité de la motricité sous-marine qui se dégage du film, une façon de se mouvoir dans l'eau en quelque sorte hybride, « aquatico-terrestre ».
C'est ce qui rend à mon avis la visualisation du film particulière, en comparaison des documentaires plus « classiques » de plongée. Tantôt poisson, tantôt grimpeur ou coureur, le protagoniste nous fait entrer dans l'univers sous-marin par plusieurs portes jusqu'ici dissimulées. Brouillant les repères, il nous plonge dans un monde onirique où l'homme marche au fond de l'océan, glisse non pas sur mais sous la glace, passe le bonjour tête en bas aux cachalots têtes en haut.
En extrapolant un peu, ne pourrait-on pas y voir une volonté de relier notre espèce terrestre avec son passé aquatique ? En effet, n'oublions jamais que la vie est d'abord apparu dans l'eau, avant de coloniser la terre ferme il y a environ 400 millions d'années... Bon pourquoi pas, mais ce qui me semble peut-être plus vraisemblable, c'est l'idée de sensibiliser l'homme moderne à la grâce d'un milieu qu'il ne connaît que très peu et qui couvre pourtant 70% de sa planète. En se déplaçant aussi bien à la manière d'un mammifère marin que d'un mammifère terrestre, l'artiste nous laisse à voir les passerelles entre deux mondes qui s'ignorent. Il nous invite par là même à emprunter ces ponts pour sortir de notre aveuglement coupable face à l'autre rive, pourtant si proche. Cette performance transmet un souffle capable de soulever n'importe qui de son canapé pour partir à la rencontre d'un univers inconnu, mais accessible. Cela dit, pour aller à 20 mètres de profondeur préférez dans un premier temps la plongée à l'apnée...
Ce que je raconte peut paraître un peu « perché » pour certains, mais faites-moi confiance, lorsqu'on rajoute une touche de spiritualité sur les tableaux magnifiques qu'offrent la nature, l'expérience n'en ressort que plus belle... et enrichissante ! D'une cité engloutie au Japon aux cachalots de l'île Maurice, en passant par des cavités au Mexique, les requins de Polynésie, un lac gelé en Finlande et les pêcheurs au harpon des Philippines, la beauté du monde sous-marin éclabousse chacun des plans. Mais de mon point de vue, au-delà de la diffusion des beautés intrinsèques de la nature, qu'elles soient terrestres ou aquatiques, ce genre d’œuvre nous permet de vivre avec nos émotions les liens forts que l'Homme entretient avec la nature. Difficile de partager tous les 4 matins une baignade avec des baleines à bosse (ni même avec un poisson rouge d'ailleurs), alors One breath around the world vient palier, bien que très partiellement, nos aspirations d'altérité sous-marine.
Dans cette impression que l'on a de se connecter à l'essentiel en le visualisant, le court-métrage m'évoque Les enfants de la mer, car ce sublime film d'animation foisonne d'images évocatrices et de réflexions sur le rapport de l'Homme au milieu marin. Les deux me font aussi penser à un instant magique vécu à la fin d'une plongée au Mozambique. Lors du palier de décompression de 3 minutes à 5 mètres (qui correspond à une « pause » dans la remontée vers la surface pour des raisons physiologiques), un tout petit calmar juvénile de quelques centimètres vient rendre visite aux grandes masses noires immobiles dans l'immensité du bleu que nous sommes. Seuls les esprits des profondeurs seraient en mesure d'expliquer pourquoi, mais le jeune calmar se prend « d'affection » pour les paumes de main de certains d'entre nous. Devant mon masque, le tout petit être « danse » au gré des mouvements lents que j'effectue avec ma main. Même sans trop vouloir anthropomorphisée la rencontre, la scène tient lieu d'une espèce de connexion, tout du moins d'une rencontre, entre deux entités vivantes diamétralement différentes qui se retrouvent l'espace d'un instant magique dans le même monde. Pendant quelques précieuses secondes, inestimables même, j'ai cessé de voir la nature sous-marine comme un simple décor... J'ai vécu avec elle.
Maxime Lelièvre
Et pour d'autres zestes de sauvage, culture et voyage...
Retrouvez sur Youtube le film One breath around the world
Une plongée fascinante, visuelle, sonore et spirituelle dans le monde des océans, en compagnie de 3 adolescents japonais hors du commun... Un magnifique film d'animation pour adulte !
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